Le cercle dans tous ses états

 

KANDINSKY. gravitation 2 

Un goût immodéré pour la forme circulaire est à l’origine du conte pictural que vous allez voir : il écrit l’histoire de cette fascinante figure géométrique, qui s’impose à l’œil du spectateur comme à l’esprit du peintre et qui nous promène de l’Antiquité romaine au « Géométrisme lyrique ».

Pourquoi cette fascination ?

Que ce soit la courbe, l’arc de cercle, le cercle en son entier ou la sphère, il s’agit toujours de formes esthétiques, plus signifiantes que décoratives, qui donnent un profond sentiment de sérénité. Car, devant une courbe, « le cerveau remplit les vides », cherche le centre et complète spontanément la circonférence ; voilà pourquoi cette ligne suggère l’idée du Tout et de l’Harmonie.

  • Ainsi, devant la fresque rouge cinabre de la villa des Mystères, (I° siècle avant l’ère chrétienne), le regard est d’abord attiré par la Danseuse nue, vue de dos : elle est tout en lignes courbes : bras arrondis au-dessus de la tête, hanches avantageuses, cambrure des pieds nettement soulignée par un jeu d’ombre et de lumière. Mais ce qui séduit plus encore que cette évocation de la féminité, c’est l’écharpe posée sur son épaule ; elle forme un demi-cercle parfait qui tempère la transe bachique (si mystère en l’honneur de Dionysos il y a) et qui apaise l’effroi provoqué par le rite d’initiation sexuelle (s’il s’agit plutôt d’une cérémonie pré-nuptiale.) La courbe semble douée d’un pouvoir magique et imposer un ordre supérieur aux excès des fêtes gréco-romaines. 

 

villa des mystères Pompéï danseuse

  • Rien d’étonnant alors que, dans la symbolique chrétienne, elle signifie la présence divine et domine volontiers dans les Conversations sacrées. Mais nous sommes loin d’un cliché pictural ! l’arc de cercle y est introduit avec une surprenante variété. Pour matérialiser l’Esprit Saint, dans le retable de Brera (1472) Piero della Francesca se sert de la nouvelle architecture, inventée par Alberti, et son dessin de la voûte à caissons est en résonance avec la coquille et l’œuf (symboles de perfection et de plénitude) ; le tout impose à la scène un silence bien paradoxal qui transforme la conversation en méditation sacrée.

 

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  • Giovanni Bellini, quant à lui, dans la Pala de san Zaccaria (1505) trace une bouleversante courbe autour de Catherine d’Alexandrie, à gauche de la Madonne : amorcée par la palme du martyre et prolongée par le drapé de son vêtement, elle épouse les formes de la sainte, telle une image fantomatique de la roue de son supplice qui, rappelons-le, s’est miraculeusement brisée contre son corps. En outre cette courbe unit géométriquement Catherine à Pierre puisque le point de départ de l’arc n’est autre que la nuque du Père fondateur de l’Église et le point d’arrivée ses pieds, avec une subtile citation de violet sur le vêtement des deux personnages. Ici, l’arc de cercle réalise la communion des saints ! Alors que dans un cadre plus profane, il est simplement symbole de calme.

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  • Voyez plutôt l’épisode de la Légende de sainte Ursule, qui relate l’arrivée des pèlerins dans Cologne assiégée par les Huns : Carpaccio réalise un cercle parfait en jouant sur le reflet du pont dans l’eau ; non seulement il rend compte ainsi de l’immobilité de l’air et de l’harmonie des éléments (indifférents aux fureurs humaines), mais surtout, en bon Vénitien, il inscrit une lénifiante invitation au rêve au sein d’une scène de guerre et de menace ; fermé par cette courbe, son paysage de lagune fait contrepoint à la présence des armées, de l’oiseau de mauvais augure et de la coque noire du navire, tous annonciateurs de deuil et de martyre. Mais tous les ponts sur l’eau n’ont pas la même fonction poétique !

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  • Ainsi le pont de Maincy est pour Cézanne un prétexte à réaliser une forme abstraite ; sous les arches, il inaugure une nouvelle technique picturale faite de petites touches formant des carrés de couleur, en somme des lignes droites dans une ellipse, (technique très en avance pour son temps, puisqu’elle date des années 1879-80 et qu’elle préfigure la manière de Paul Klee si ce n’est celle de Nicolas de Staël.Ici, le pont constitue une sorte de cible pour attirer l’œil du spectateur sur l’art de déposer la peinture sur la toile !

Le cercle dans tous ses états dans géométrie

 

  • Et l’on sent que, dans quelques années, formes et couleurs autonomes se substitueront au sujet, que les artistes ne se contenteront plus de faire circuler la lumière dans un paysage mais prendront la lumière elle-même pour sujet du tableau. Ce sera l’âge d’or du «Géométrisme lyrique» et des expériences basées sur le disque de Newton (un disque composé des couleurs de l’arc-en-ciel qui, en rotation rapide, semble blanc et prouve que la lumière est une combinaison de couleurs.) Fondée sur ces propriétés dynamiques de la couleur, l’œuvre du Tchèque Kupka regorge de cercles, spirales, ovales et courbes : elle marque le triomphe de l’abstraction circulaire et chromatique ; c’est une œuvre sérieuse, issue de recherches en Sciences Physiques, et pourtant, elle fait davantage penser aux « fleurs japonaises » chères à Marcel Proust qu’à l’austère production des Suprématistes ou qu’aux disques redondants de Robert Delaunay. Ce rapprochement avec Proust n’est pas fortuit : Autour d’un point (monumentale toile, dont l’élaboration s’étend sur trois décennies) tire son origine de l’observation d’une fleur de lotus sur l’eau ; certes, Kupka lui fait subir un traitement abstrait, privilégie les lignes centrifuges et centripètes mais il les enchevêtre de telle manière que l’on devine, selon que l’on est disposé, une forme végétale ou la gravitation des planètes. Quoi qu’il en soit, on subit le charme de cette peinture, dynamique et sensuelle pour ne pas dire voluptueuse.

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  • La dimension planétaire se retrouve, bien entendu, dans l’œuvre éblouissante de Kandinsky qui use de la géométrie à contremploi pour créer d’enchanteurs lâchers de ballons multicolores, qui semblent flotter en apesanteur. Tels des météores, ils déferlent du néant pour converger vers un centre. Mais davantage de mots risquerait de tuer cette poésie cosmique et spirituelle, alors laissons-nous émerveiller par ces drôles de phosphènes…

 Image associée

Bien que dynamiques, les formes rondes sont donc apaisantes et, bien que symboles d’unité, elles évoquent aussi la diversité par la gamme infinie de leurs agencements ; en somme, elles réalisent l’alliance des contraires (objet de toute quête poétique).

Nul n’en a mieux parlé que Vassily Kandinsky, poète des sphères s’il en est. Alors laissons lui le dernier mot :

« Pourquoi le cercle me captive ? - écrit-il, en 1930, à son ami Will Grohmmann – c’est qu’il est 1°) la forme la plus modeste mais qui s’impose sans scrupule; 2°) précis mais inépuisablement variable; 3°) stable et instable; 4°) silencieux et sonore. »

VOUS POUVEZ VOIR LE FILM ICI :

 http://www.dailymotion.com/video/x1urvr9

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