Felix Aublet, un art en mouvement
Paris, 20 mai 2012
(en remerciement à Béatrice SINGER, qui m’a fait découvrir Felix Aublet)
Diable ! mais de qui sont ces toiles, qui donnent une troublante impression de déjà vu et d’inédit…?
Si votre curiosité est piquée au vif, venez donc partager l’histoire de Felix AUBLET (1903-1978), dont je suis dépositaire depuis peu ! Elle raconte le parcours d’un surdoué (peintre, architecte d’intérieur, décorateur, designer et publiciste), à l’aise avec la technique comme avec la recherche sur les nouveaux matériaux, particulièrement actif entre 1930 et 1950, qui vécut sous le signe de la vitesse et dont la création polymorphe cherche avant tout à restituer le mouvement.
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Fils d’un peintre orientaliste (Albert), né à Tunis en 1903, Felix-Tahar s’est formé à la modernité en réaction contre le goût conventionnel et démodé du père.
Ses talents multiples se doublent d’une attachante personnalité aristocratique : ce colosse aux cheveux roux est, en effet, un généreux, débordant d’activité, fait pour le travail en équipe, l’émulation et les échanges, n’hésitant pas à devenir l’ami voire le mécène de ses collaborateurs (parmi lesquels le couple Delaunay et Nicolas de Staël ont été privilégiés) ; ainsi a-t-il traversé le siècle discrètement, sans grand souci de gloire personnelle ni d’argent, ayant fait la part belle à la création éphémère (exposition universelle de 1937, campagnes publicitaires, décors de théâtre ou de cinéma, dont ceux du Père humilié de Claudel, en 1946, et des Visiteurs du soir de Carné en 1942).
Sa production n’est vraiment sortie de l’ombre qu’avec la réédition de la lampe boule par Andrée Putman (années 80), les importantes expositions d’Aix (2001) et Châteauroux (2002), puis la dispersion du fonds familial en novembre 2004.
Quelles en sont les caractéristiques ?
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Contemporaine de l’essor des techniques de la vitesse (automobile, aviation, électricité et cinéma), son œuvre parle d’accélération et de corrélations intimes entre Art et Industrie.
En témoigne le point d’orgue de sa carrière: les réalisations architecturales et décoratives pour les Pavillons de l’Air et des Chemins de fer de l’Exposition voulue par le Front Populaire pour exalter les valeurs de progrès et de modernité.
Felix Aublet conçoit, en collaboration avec Robert et Sonia Delaunay, deux bâtiments provisoires dont les structures métalliques sont revêtues de panneaux de Rhodoïd : matière plastique transparente, incombustible et réactive aux rayonnements ultraviolets, qui permet de concevoir un décor diurne, donnant à voir au grand public les dernières tendances de l’art, figuratif ou abstrait, et un décor nocturne, futuriste dans lequel la lumière artificielle devient matière artistique à part entière.
Dans le Palais de l’Air le monde moderne est littéralement mis en scène dans un théâtre à la Jules Vernes : des avions suspendus à la structure sont accessibles aux visiteurs par une passerelle conique, plus poétique que pratique; l’ellipse, en Rhodoïd coloré, suggère les trajectoires aériennes et le dôme en plastic transparent symbolise l’espace. Avec ce dispositif, Aublet crée l’illusion de l’univers céleste, dont il n’oublie pas la dynamique, majorée de nuit par l’utilisation de la lumière noire et de son immatérielle plasticité.
Le décor du hall était complété par des peintures murales, (trois Sonia Delaunay face à trois Aublet), dont il ne reste que des esquisses, représentant une hélice d’avion à différents stades d’accélération; cette imitation du mouvement centrifuge intéresse Aublet non seulement du point de vue plastique mais aussi du point de vue ophtalmologique, car il n’a jamais dissocié ses recherches sur les rapports forme/couleur/mouvement de recherches sur l’accommodation des cristallins et la convergence des deux yeux…
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La décoration du Pavillon des Chemins de fer a, quant à elle, été préservée, conservée par le Mobilier national :
la façade, scandée par des colonnes de Rhodoïd, chante un hymne ferroviaire enthousiaste. Sur quatre panneaux peints en couleurs primaires, véritable pendant pictural à la Prose du Transsibérien, le chœur des formes anguleuses dialogue avec celui des courbes dans une remarquable synthèse des avant-gardes puriste, futuriste et post-cubiste; ainsi, la technologie du rail est rendue par la rigueur géométrique des lignes (carrés des panneaux de signalisation, croisillons des poteaux électriques) et l’ivresse de la vitesse par de lyriques volutes de fumée, la courbure des voies et la silhouette du mécanicien épousant sa «bête humaine».
La symphonie se poursuit à l’intérieur du Pavillon avec une série sur les Hommes du rail, (aiguilleur, mécanicien, garde-barrière) dont les corps stylisés fusionnent avec la mécanique ou les outils, dans une belle épure géométrique qui n’est pas sans rappeler les Temps modernes de Charlie Chaplin…
Enfin, deux grands panneaux très sobres, barrés d’un slogan, le Train va vite et le Train est à l’heure, témoignent des recherches d’Aublet sur la représentation de la vitesse. Il recourt ici habilement à la typographie dont le tracé augmente ou diminue avec la progression de la diagonale pour donner l’illusion d’un train sortant à grande vitesse d’un tunnel ou entrant lentement en gare.
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Bien que ces grands ensembles décoratifs fassent penser à l’art des Delaunay, Léger ou Dufy, ils permettent de définir une manière, si ce n’est un style Aublet: plus architecturale que picturale, elle se caractérise par une composition dépouillée de tout ornement réaliste, des formes pures, un dessin au tracé net et rigoureux et surtout par une obsession du mouvement, qui imprègne tout l’œuvre.
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En effet, influencé par les travaux des Futuristes russes sur la propagande, Aublet invente la publicité qui roule et exploite le Plexiglas avec une authentique prescience du logo : bouche sensuelle pour les rouges à lèvres Stop, monumental stylo-bille pour Bic, gigantesques pelotes pour les laines Sophil, tous au profil aérodynamique.
Dans la mouvance du Bauhaus et de l’Union des Artistes Modernes de Mallet-Stevens (UAM), il crée des meubles tubulaires, sièges orientables, réglables et superposables, cloison mobile d’une ingénieuse simplicité et d’une stupéfiante beauté, astucieuses tables transformables en jardinières ou dépourvues de pieds et suspendues au plafond, sans oublier, bien sûr, la merveilleuse lampe-boule, articulée sur une lyre.
Enfin, ses tableaux de chevalet, auxquels il sera fidèle d’un bout à l’autre de sa vie, représentent d’abord une Nature animée par les éléments, puis l’exode de 1940, et finissent par s’apparenter à des «poèmes de vent et de lumière» tandis que Aublet est ironiquement condamné par son destin à un fauteuil roulant, cet «homme aux semelles de vent» a été accidenté à la moelle épinière en voulant déraciner une souche d’olivier, victime du terrible hiver 1956.
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Ainsi, en créateur éclectique et pressé, Felix Aublet n’aura pas pris le temps d’approfondir un style pour chacun de ses domaines de prédilection ; et, en artiste-artisan, il aura préféré la création partagée à l’œuvre personnelle et se sera contenté de poursuivre un singulier dialogue avec ces maîtres et amis plutôt que d’affirmer une forte personnalité.
Voilà pourquoi, même après ce tour d’horizon, il reste difficile d’identifier un Aublet au première coup d’œil : que ce soit en architecture, décoration, design ou peinture, on pense d’abord à quelqu’un d’autre (Le Corbusier, Breuer, Charlotte Perriand, Cézanne ou Nicolas de Staël…)
Et voilà pourquoi, (à l’instar des Maîtres-d’œuvre du Moyen-Âge, inséparables de leurs équipes) il semble avoir choisi le Purgatoire des Arts plutôt que la gloire!
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VOUS POUVEZ VOIR LE FILM ICI :
http://www.dailymotion.com/video/x1urxen
Je vous ai rencontre a Aix en Septembre 1974 au moment du debut de mon sejour en tant qu’etudiant a l’ecole de Beaux Arts, sous la ‘protection’ de Maxime Adam-Tessier: un de ses premiers tentatives d’echange avec des ecoles Anglaises. Je suis desolee de lire de la mort de votre soeur Martine, trop jeune. Je crois que cela doit etre elle qui m’avait donnee la force de continuer a Aix malgre mes peurs et le contact avec Mme Schmitt, en bas de chez vous… chez qui je logeais pendant l’annee scolaire. Je crois que c’est donc vous meme qui m’a frappee avec votre beaute a l’age de ?14/15ans? en m’offrant une poignee d’amandes a l’occasion d’une brieve visite par les Tessier, cherchant a me ‘placer’ avant son redepart pour le Castellet.! Je m’appelais Donovan, Charlotte a l’epoque et j’ai toujours garde le souvenir de monter dans la voiture de votre pere, faire des commissions avec lui a Aix. Salutations. N’hesiter pas de me contacter par courriel..
Correction, pas vous ‘annstein’, mais vous Marianne Aublet, qui, recemment, avait laisse le commentaire sur votre pere. Mes excuses…
Bonjour,
Je suis ravie de lire ce post à propos de M. AUBLET qui semble venir de Marianne sa fille.
J’étais avec elle aux Beaux-Arts de Marseille-Luminy et je serais très heureuse de reprendre contact avec elle, perdue de vue depuis tant d’années !
Merci de bien vouloir lui transmettre mon adresse de courriel.
Recevez mes meilleures salutations,
Martine.