Eugénie BASTIÉ, la Guerre des idées, 2021-(Compte rendu de lecture)
Alors que le XXème siècle finissant, théorisait la fin de l’Histoire, que la vie intellectuelle s’apaisait et que s’atténuait le clivage gauche-droite, le XXIème siècle débutant est marqué par un retour de l’Histoire : crises migratoire, climatique, financière, réveil du religieux, populismes, révolutions technologiques bousculent le champ des idées ; l’identité, la laïcité, la sécurité, l’islam, le terrorisme, la bioéthique divisent les tenants du Réel (conservateurs et réactionnaires) et les idéologues (gauchistes de tout poil qui font régner un nouveau terrorisme intellectuel, la culture de l’exclusion -ou cancel culture, en globish- abandonnant au passage toutes leurs valeurs fondatrices : universalisme, rationalisme, roman national et sécurité !)
Les thématiques se diversifient par rapport à naguère, où triomphait la pensée économique (marxistes versus libéraux) mais les échanges cessent d’être fructueux, de cheminer vers une Vérité car ils tournent à l’affrontement. On combat au lieu de débattre, on censure au nom d’un droit nouveau : celui de ne pas être offensé, puis on se retranche dans son camp (université, médias), cultivant l’entre-soi. On assiste à une « archipélisation » de la pensée. Le fil de la conversation se rompt, une nouvelle intolérance (fondée sur l’émotion et la subjectivité) voit le jour. La vie intellectuelle s’étiole.
Et ce d’autant que la pensée recule au profit de l’émotion. On pense dans l’immédiateté de l’événement, sans recul, on menace la liberté d’expression au prétexte que les mots blessent ou tuent au sens propre du terme, on criminalise les idées de l’adversaire : « aujourd’hui la contradiction est perçue comme une offense, le désaccord comme une agression » (page 93.)
Après trois ans d’enquête au cœur de l’intelligentsia française, un constat s’impose : on ne produit plus d’idées neuves, on recycle celles de la French theory (revenues en boomerang des États-Unis) en déconstruisant le genre, le sexe, la race, l’histoire, la culture. Et, surtout, on ne débat plus.
La Droite gagne la bataille du réel, la Gauche se fracture (naissance du tiers-parti des intellectuels, jugé Réac) et se radicalise. Mais la guerre des idées n’a pas lieu.
Faute de débat, formidable exutoire à la violence, la guerre civile aura-t-elle lieu ?…
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