Jean CAU, libre-penseur plus que polémiste

« Sois traitre à ce qui n’est pas toi et tu deviendras »

Réflexions dures sur une époque molle (1981)

 

Au terme de ma lecture de Jean Cau, l’indocile (2024, Gallimard), je réfute l’étiquette « polémiste », communément accolée à son nom, en raison de sa connotation péjorative. Certes, il pensa contre son temps, autrement dit contre l’intelligentsia de gauche mais il ne cultiva pas les opinions contraires pour la plaisir de la controverse. Il ne pensa par lui-même, ne se fia qu’à sa raison et n’exerça librement son esprit critique que pour mettre en garde contre l’avachissement de la pensée d’après-guerre et la Décadence de la France qu’il engendra de 1962 (fin de la Guerre d’Algérie) à 1981 (élection de « La Mitte ».

Les auteurs de cette biographie intellectuelle, Louis Michaud et Ludovic Marino, insistent en effet sur la lucidité de ce lanceur d’alerte qui préféra les idées justes aux idées généreuses, pour paraphraser Jacques Laurent, l’un des Hussards dont il fut proche sans appartenir à son mouvement littéraire. Voilà pourquoi Cau pensa que l’Homme en tant qu’essence, n’existe pas : les êtres étant tributaires de Permanences – l’Histoire, la Géographie, la Culture, plus fortes que n’importe quelle idéologie qui voudrait les abattre (égalitarisme ou communisme) !

Ils insistent également sur sa fidélité à lui-même et son ambition d’être authentique et sincère pour faire entendre une voix propre : la sienne ! Voilà pourquoi le brillant khâgneux refusa d’intégrer la rue d’Ulm, « cet abattoir de la sensibilité » et de la liberté d’esprit ; voilà pourquoi il ne devint jamais un disciple (de Sartre ni de quiconque) et cultiva sa différence et son éclectisme, en aristocrate de la pensée, en moraliste de la volonté, en ennemi de la moraline et de la bourgeoisie qui opte pour un confort intellectuel au détriment de l’épanouissement de soi et des valeurs qui firent la grandeur de l’Occident.

Il ressort de ce portrait d’homme libre un visionnaire ayant pressenti tous les malheurs actuels de France et de la civilisation européenne : consumérisme effréné, individualisme sans borne, égalitarisme forcené, technocratie, violence, désordre, impatience, laideur et bavardage qui tient lieu d’action.

Merci à Louis Michaud et Ludovic Marino d’avoir extrait du purgatoire des lettres ce prophète du courage, du travail, de la fidélité, de la patience, du don voire du sacrifice que fut Jean Cau, porteur de valeurs païennes propres à nous régénérer !

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